Ville Venete - Les Villas Vénitiennes

En ce début du XVIeme siècle la situation économique de Venise est loin d’être brillante. Depuis que les turcs  se sont installés à Constantinople, l’empire maritime de la Sérénissime s’est considérablement réduit. L’Espagne et le Portugal se sont enrichis aux amériques et la valeur de l’or a perdu 50% de sa valeur, ce qui a provoqué la faillite des banques vénitiennes.

La découverte de la route maritime directe des indes par l’atlantique, plus rapide que la route terrestre, enlève à Venise son privilège d’être au cœur du système de circulation marchande.

Sa flotte est concurrencée par les navires de l’Angleterre, plus rapides et mieux équipés. 

Carpaccio Retour des Ambassadeurs

Dans sa période faste, tout le blé était importé. Mais les problèmes économiques provoquent des ruptures dans les approvisionnements, et Venise connaît des périodes de disette. Ce qui est d’autant plus absurde que les terres de la Vénétie sont laissées à l’abandon. 

En 1556 le Sénat adopte le projet créant le Bureau des Terres Incultes. 

L’Objectif est de produire des céréales de qualité par le développement des cultures de la Terraferma, avec la construction de canaux et de digues. 

Bellini Procession San Marco

Des nobles vénitiens ont déjà donné l’exemple, comme Alvise Cornaro qui agrandit sa propriété foncière en utilisant des techniques hydrauliques. Il en tire un profit considérable. Mais il ne se contente pas d’être un excellent gestionnaire, il prône un mode de vie, un retour à la nature, une vie saine, « Santa Agricoltura », une philosophie alliant le sacré, l’accord avec la nature, et le savoir, le développement des techniques agricoles.

L’humanisme de la renaissance va trouver un écho particulier dans la noblesse vénitienne. Dans ce siècle, comme ce sera pour le XVIIIeme en France, tout est prétexte à la création d’Académies, tant est immense le désir de savoir et de partager ses connaissances.

Le projet d’irrigation des terres incultes va permettre de mettre en pratique les idées nouvelles.

Cornaro sera suivi par Daniele Barbaro, Francesco Pisani, Francesco Badoer, Leonardo di Giovanni Emo, Bonifacio Poiana…

Ces aristocrates veulent s’installer sur leurs terres pour deux raisons : diriger l’exploitation et vivre en symbiose avec la nature. 

Villa Emo

Cependant il leur faut une habitation propre aux réceptions qui sont leur mode de vie. 

Historiquement, la Villa romaine correspondait à ce genre d’habitation, en distinguant la Villa Rustica, pour l’exploitation, et la Villa Urbana, pour les réceptions et les jardins. 

En résumé, les propriétaires fonciers veulent une habitation très fonctionnelle qui soit harmonieuse, avec jardins, et moins chère qu’un palais.

Un homme va répondre à ce besoin : Andrea Palladio. 

De fait si cet homme n’avait pas existé, il aurait fallu l’Inventer.

 Palladio, de son vrai nom Andre di Piero est né à Padoue en 1508. Il est le fils d’un meunier qui le destine à être tailleur de pierre, ce qu’il sera jusqu’à sa rencontre avec le comte Giangiorno Trissino qui l’instruira sur l’art de l’architecture. Après des années de voyages où il apprend diverses techniques, il débute ses activités d'architecte vers 1540 à Vincence. Son amitié avec Daniele Barbaro lui ouvre les portes des cercles aristocratiques de Venise. Il construira plus de 60 chefs-d’œuvre.

Il a pris le nom de Palladio en hommage à Pallas Athenae, déesse de la pensée et de la sagesse, patronne des artisans et des techniques. Humaniste, il conçoit l’habitation comme le corps d’un homme, le corps de logis étant la tête, les communs, les bras, et l’ensemble formant un tout, symétrique et harmonieux. L’Harmonie est d’ailleurs sa règle de construction, considérant les proportions aussi importantes à respecter en architecture que les accords d’une partition musicale.

Villa Barbaro, Maser Trévise

Palladio va parfaitement répondre aux souhaits des familles vénitiennes. 

La villa est conçue en un tout : corps de logis, communs, jardins. 

Villa Emo, Fanzolo di Vedelago Trévise

La construction sera rigoureusement symétrique, le corps de logis au centre, doté d’un étage noble, piano nobile, pour les réceptions et les chambres. 

Les communs, Barchesse, sur les ailes, d’accès direct et facile. 

Le corps de logis est doté d’un fronton de colonnades, et fait face à un jardin. 

Villa Badoer, Fratta Polesine Rvigo

L’emplacement de la villa est très important, de préférence près d’une rivière. 

L’habitation est essentiellement construite en brique, agrémentée de colonnes en stuc, ce qui diminue considérablement son coût global. 

Palladio fait appel à Véronese pour les décorations intérieures. Ce dernier abusera de peintures en trompe l’œil pour multiplier les fausses portes et les fausses fenêtres.

Villa Cornaro, Piombino Dese Trévise

Plus de 30 villas seront ainsi construites en Vénétie, avec chacune leur particularité en fonction du désir de leur propriétaire. (Actuellement 24 sont inscrites au patrimoine mondial).

villa Rinaldi voisine de la Villa Barbaro, Asolo Maser

Après sa mort en 1580, de nombreux adeptes continuèrent à construire des villas en fonction de ses écrits : "I Quattro Libri dell' Architettura".




Le style de Palladio sera suivi en Angleterre par les hobereaux campagnards, et en Amérique par les planteurs. 

Mais ceci est une autre histoire, car qui croira que la Maison Blanche est en fait une villa vénitienne ?

Sources et Bibliographie : 

Palladio   Manfred Wundram, Thomas Pape.

Palladio   James S Ackerman